Immobilier : et si le verre était à moitié plein ?

La bulle immobilière n’explosera pas. Les articles de presse, conférences et autres analyses de marché se multiplient pour annoncer le grand krach immobilier. Un colloque de la fédération française du bâtiment a même réuni très récemment les spécialistes les plus éminents pour se pencher sur cette question.


Qu’en est-il de la réalité ? Oui, les prix du logement s’infléchissent globalement en France. L’absence de croissance économique, la montée inexorable du chômage, l’inquiétude légitime et la fragilisation des ménages sont autant de facteurs macro-économiques qui plaident en faveur d’une baisse des prix de l’immobilier. D’autant que les valeurs n’ont cessé de grimper depuis le milieu des années 90. Une étude récente de Bercy indiquait que les prix des logements avaient été multipliés par deux depuis 1998. Après une légère inflexion au lendemain de la faillite de Lehman Brothers, ils sont repartis à la hausse dans la plupart des villes et ont même dépassé le pic enregistré mi-2008 dans certaines grandes métropoles.


« Malgré l’effondrement du volume des transactions et le recul massif des mises en chantier, les prix de l’immobilier ne se sont pas écroulés depuis 2010 », constate très justement, Didier Ridoret, le président la FFB, la puissante organisation patronale du bâtiment. Car, côté pile, le marché bénéficie de puissants moteurs : croissance démographique, phénomènes de décohabitation, vieillissement de la population sont autant de facteurs qui soutiennent la demande de logements en France. Avec un adjuvant conjoncturel, le coût du crédit historiquement bas aujourd’hui, redonnant ainsi un peu de pouvoir d’achat immobilier aux ménages. Côté face, l’offre reste particulièrement contrainte. La production de logements neufs a touché un point bas en 2012 à moins de 350 000 mises en chantier, le plus mauvais score jamais enregistré sur le dernier demi-siècle !


Sauf brusque retournement des taux d’intérêt long terme et d’un afflux de biens sur le marché (provoqué par exemple sur l’impact du vieillissement de la population sur les décisions de vente), il y a assez peu de place à une franche dégringolade des prix en France, contrairement à notre voisin espagnol.

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Attention, ce qui est vrai en macro-économie peut être bien différent sur le plan micro-économique. Les prix immobiliers reflètent avant tout l’attractivité d’un territoire. Et à ce petit jeu là, tous ne sont pas à armes égales. La période est aujourd’hui dominée par la théorie de la nouvelle économie géographique, popularisée par le prix Nobel américain Paul Krugman. Celle-ci veut que les agglomérations soient au cœur de dynamique des échanges, facteurs de croissance économique. En somme, plus on concentre de forces vives (entreprises, salariés) à l’échelle d’un territoire, plus on améliore la productivité de ce dernier. C’est l’émergence des villes-monde, Singapour, New York, Londres… qui deviennent des îlots de croissance dans un océan de récession.


Cette théorie renforce le phénomène de fracture territoriale, avec des gagnants et des perdants sur le plan immobilier. Florange ou Gandrange, pour ne prendre que quelques exemples médiatiques, sont autant de bassins industriels durement touchés par la crise. Cette forme de désertification industrielle impactera inévitable le niveau de la demande de logement sur le plan local, donc celui des prix. Ce n’est pas tant l’explosion d’une bulle, mais davantage le dépérissement économique d’un territoire qui est le véritable sujet de préoccupation.


A contrario, les grandes agglomérations qui conservent une forme d’attractivité – économique pour les unes, touristique pour d’autres – ne sont pas tant menacées par un grand soir des prix de l’immobilier que par un blocage du marché. Si les prix restent tendus sur Paris, c’est que la Capitale n’est rien d’autre que la tête de pont économique de la France. S’ils s’effondrent, c’est que la compétitivité de la France dégringole. Et si c’était cela le vrai débat ?

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